Arrivée nocturne d'une silhouette encapuchonnée

Au loin, dans l'obsucurité nocturne, une silhouette fine et longiligne s'approchait des grilles du domaine, que des lanternes, finement cisélées, éclairaient chichement d'un feu entretenu. A l'approche des portes ferraillées, la forme se dessinait peu à peu. L'ombre s'était emmitouflée dans une longue cape, réhaussée d'un capuchon rabattu sur la tête, dont on ne pouvait distinguer les traits. Regardant autour d'elle, comme craignant d'être suivie ou reconnue, la silhouette tenait près d'elle, à un ceinturon, une dague destinée aux rencontres importunes.

Au loin, elle pouvait contempler la forme élégante du château de Jouarre, lequel était dépouillé des grossiéretés castrales des forteresses militaires. Il s'agissait davantage d'une demeure d'apparat et de plaisance dont le luxe soulignait la puissance des seigneurs du lieu.
D'abord hésitante, elle crut bon d'héler au hasard quelque quidam chargé de la surveillance. N'obtenant pas de réponse, elle finit par découvrir son visage, laissant apparaître une chevelure blonde, maintenue en un lourd chignon, qui encadrait une paire d'yeux intensément bleus.

Holà, Messer! Je suis dame Jeanne de Langres, Gardienne du Peuple de Champagne par la volonté du duc de Champagne. J'ai été conviée à une entrevue avec sa Grâce la duchesse de Jouarre, par l'entremise de dame Poppa. Voici mes références et lettre qui en atteste.

Jeanne brandit alors une missive enroulée, marquée du sceau de la Commissaire au Commerce de Champagne, en guise de Laisser-Passer

Nombre de messages : 192 Date d'inscription : 25/02/2009

Une fois que le vieux garde eut demandé à la maitresse des lieux où il devait accompagner la jeune femme s'étant présentée fort poliment aux grilles, Aldric alla à la rencontre de la Gardienne du Peuple de Champagne. D'ailleurs qu'était ce donc que cela ? Il lui semblait avoir déjà entendu ce titre qu'il pensait honorifique lors de sa mission au castel ducal, mais il n'avait jamais compris à quoi il correspondait. S'il y pensait, il lui faudrait interroger les airainois à ce sujet voir même si cela était possible, la Dame en question. Après tout qui mieux que la Gardienne du peuple en personne pour répondre à ses interrogations ?

Enfin, d'un pas assuré et rapide, Aldric rejoint rapidement l'entrée du domaine où il salua tout d'abord un léger signe de tête la jeune femme.

Bonjour Dame Jeanne. Tout en parlant, le barbu fit tourner lentement la lourde clef dans la serrure de la vieille grille avant de l'ouvrir partiellement. Il laissa une bonne largeur afin de permettre à Jeanne d'entrer sans que sa toilette ne frotte les montants rouillés. Je vous en prie, entrez donc. La Duchesse vous attend au petit salon. Si vous voulez bien me suivre, je vais vous y emmener.

A l'apparition du garde de ces lieux, Jeanne le détailla du regard. Malgré l'âge mûr du sire, la jeune femme fut sensible à l'éclat de ses yeux qui soulignait une vivacité d'esprit redoutable, capable de sonder les âmes au premier coup d'oeil. Un peu intimidée, Jeanne baisse les yeux, joignit modestement ses mains sur son ventre et, le visage débarassé de son capuchon, suivit Aldric dans sa marche rapide.

Marchant à sa hauteur, elle l'observait par intermittence et ressentait la nature farouchement loyale du garde. Les années passées au service du duc et de la duchesse de Jouarre témoignaient de la valeur et de la confiance que ces derniers lui accordaient. Elle se risqua donc à quelques questions

Si vous me permettez, sire, quel est votre nom? Depuis combien de temps êtes vous au service de sa grâce la duchesse?

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Aldric marchait d'un pas volontairement posé et lent, afin que la jeune femme ne se torde point les chevilles sur le chemin un peu cahoteux qui menait jusqu'à l'entrée. Cette allée aurait du être refaite au début du printemps, mais les jardiniers du Domaine avaient tellement eu à faire avec le parc et la roseraie, qu'ils en avaient oublié l'une des principales allées. Il s'agissait pourtant de celle permettant aux personnes ne connaissant pas le lieu, de se rendre au château de la plus simple des façons qu'il soit, mais le passage répété des chevaux ou carrosses rendait délicat le moindre pas.

D'ailleurs, le chef de la garde trébucha lorsqu'il entendit la jeune demoiselle le questionner. Lui ... le garde .... habituellement invisible de tous, sauf de ses maitres. Il n'en revenait pas et n'en menait pas large. Heureusement pour lui, sa barbe hirsute camouflait parfaitement ses joues qui avaient plus que rosi. Reprenant ses esprits en même temps que le rythme de ses pas, le vieux garde répondit.

Je .... me prénomme ... Aldric. C'était bien là la première fois qu'on lui demandait son nom ainsi ... et surtout ici. La coutume voulait que les membres de la mesnie apprennent son prénom lorsque la Duchesse hurlait dans les couloirs qu'elle cherchait son vieux garde parce qu'elle avait besoin de lui pour diverses raisons. Il n'en revenait pas, et du coup en perdait son latin ainsi que sa mémoire.

Depuis quand ?? Une nouvelle fois, le barbu faillit rater sa marche mais se ressaisit juste à temps ... il évita de justesse une ornière dans laquelle il se serait sûrement tordu la cheville. Depuis le premier mandat de la Duchesse ... des années donc.

Jeanne tentait de se frayer un chemin dans le sentier quelque peu accidenté qui menait au château. Réglant son pas sur ceux du gardien, elle tressaillit à plusieurs reprises lorsque celui-ci manqua de chuter à deux reprises. Elle s'en voulut d'avoir été ainsi indiscrète avec ses question et, sans doute, d'avoir perturbé la séreinité ancestrale du domestique.
A la deuxième chute, elle eut le réflexe de rattrapper son compagnon par le bras et réussit, du peu de force qu'elle possédait, à le maintenir debout. Aussitôt, elle s'enquit de son état:

Eh bien, vous avez manqué de choir! Vous portez-vous bien, Aldric?

Assurée que le garde était indemne, Jeanne reprit sur un ton plus léger

La nuit ne profite guère aux yeux amoureux du jour. Vous ne devez guère avoir l'habitude de visiteurs aussi nocturnes et j'en suis fort désolée.

Arrivés à hauteur de l'entrée du logis, le couple formé par le gardien et Jeanne interrompit sa marche sur les marches du perron. Balayant d'un regard les ailes et dépendances du château qui encadraient la cour intérieur, Jeanne distinguait mal les bâtiments plongés dans l'obscurité mais pouvait aisément en deviner la somptuosité.

Enchantée d'avoir fait votre connaissance, Aldric. Puisque vous êtes à la maisonnée de la duchesse depuis longtemps, peut-être pourriez vous m'indiquer le chemin à suivre pour gagner son petit salon. Je ne voudrais point paraître importune et crains que l'accès ne m'en soit refusé si vous ne m'accompagnez pas...

Jeanne, pourtant si austère et plus versée dans la diplomatie solennelle, aimait parfois charmer son auditoire pour le ramener à ses vues. Elle le fit d'autant plus volontiers qu'Aldric lui inspirait confiance et semblait avoir vécu ici dans une certaine solitude, à son corps défendant. Elle offrit alors son sourire le plus enjoleur pour persuader le gardien de l'accompagner et de lui donner accès au petit salon

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Heureusement la jeune langroise le rattrapa, plus de peur que de mal pour le vieux garde qui se redressa le coeur battant.

Ne soyez point désolée ... Cette allée ne devrait point être dans cet état, si seulement les jardiniers avaient oeuvré comme il se doit. Il nota dans un petit coin de sa tête, d'aller les sermonner dès qu'il en aurait le temps. En leur rappelant gentiment que le jour où ce serait la Duchesse, elle ne ferait sans doute pas aussi gentiment. Enfin, ils étaient heureusement arrivés sains et saufs devant les marches du perron où Aldric s'apprêtait à laisser la jeune Jeanne monter seule pour rejoindre la maitresse des lieux.

Que je vous accompagne ? Décidément le vieux garde allait de surprise en surprise ce soir. Ce qui, il devait l'avouer, n'était pas pour lui déplaire. Bien, veuillez donc me suivre jusqu'au petit salon.

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