Elle se rend compte, soudain, que débarquer ainsi chez les gens sans y être invité peut paraître vraiment malpoli. Elle aurait peut-être dû joindre un habitant des lieux avant de débarquer comme une fleur devant les grilles. De plus, elle avait grand temps pour trouver une place, ici ou ailleurs. Elle était juste novice en herboristerie, le temps qu'elle puisse exercer sans ses Maîtres, et de l'eau aurait couler sous bien des ponts. Elle reviendrait lorsqu'elle serait en possession d'un titre plus avantageux que Novice.
Et d'ailleurs, songe-t-elle en consultant sa carte, il devait bien exister des Grandes Maisons prêtes à l'accueillir bien plus près de chez elle que ne l'est Jouarre. Mais l'impatience naturelle caractérisant la rousse lui avait fait prendre la première direction, sans chercher plus avant. Ridicule, elle en a désormais bien conscience.
Car si l'idée de se mettre au service de quelqu'un lui était un peu pénible, mais somme toute réalisable, puisqu'elle est bien là, après tout ; celle de quitter son village, et d'ailleurs même en général le comté où elle vit lui est absolument inadmissible. Mais pour servir quelqu'un, le minimum n'est-il pas d'être le plus proche géographiquement de lui ?
Et de plus, ne pourra-t-elle pas, à l'avenir, lorsque sa formation sera achevée, exercer son art partout ? Et pas seulement dans les maisons de grands Nobles.
Elle se décide enfin à tourner les talons. Son alezan l'attend un peu plus loin, et c'est souplement qu'elle le monte.
- Fais donc les choses dans l'ordre, Syuzanna, se morigène-t-elle, agacée par sa propre négligence et son infernale désorganisation. D'abord les études, ensuite une place quelque part ! Et d'ailleurs, ne t'étais pas tu dis de soigner quiconque aurait besoin de toi ? As-tu vraiment besoin d'une place quelque part, hormis dans un hospital ? Voyons, Syuzanna, respecte donc tes propres principes ! Personne ne le fera pour toi. Allez Foghär, en route ! Nous rentrons chez nous !